21 novembre 2017
La santé au cinéma
(ou comment agir sur la fiction quand on ne peut agir sur la réalité)
Grâce au zèle d’une sénatrice PS (oui, ça existe encore) et de la ministre de la santé, nous serons peut-être bientôt en mesure d’annoncer une excellente nouvelle : la santé des personnages de fiction cinématographique va notablement s’améliorer puisqu’il seront peut-être enfin privés de tabac.
Certes, les acteurs qui incarnent ces personnages et encore trop d’individus réels persisteront-ils dans leur vice en allant s’en griller une dès que ce qu’il leur restera de vie privée leur en laissera l’occasion mais il n’y a pas de petite victoire !
Moi qui suis un répugnant amateur de cigare (oui je suis coupable, c’est ma faute, c’est ma très grande faute), j’ai été sensible à l’argument d’un professeur ayant déclaré à la télé que la simple vision d’une scène où l’on fume enclenche dans le cerveau un processus d’envie tabagique scientifiquement mesuré. En ce qui me concerne, dans mon enfance, c’est probablement en regardant Don Diego de la Vega allumer des cigares dans Zorro que j’ai été conditionné. Dommage que la sénatrice PS et la ministre n’aient pas été là à l’époque pour veiller sur la santé de Don Diego et par conséquent sur la mienne !
Heureusement, ces années de débauche sont désormais bien loin et nous vivons maintenant une époque formidable pleine de gentilles personnes fermement décidées à faire le bonheur des grands enfants que nous sommes, à nous protéger contre nous-mêmes. Je suis touché par la sollicitude de ces responsables sains et vertueux, notamment celle de la ministre à qui je ferais toutefois, dans le domaine de la santé publique, une suggestion.
Délivrer nos héros de films de l’addiction au tabac, en voilà une idée (puisqu’il faut bien en avoir de temps en temps) mais il en est une qui me plairait davantage et qui concernerait non plus des êtres imaginaires mais de vrais gens. Il s'agirait de délivrer les urbains et les ruraux du diesel, de la pollution, les personnels soignants du burn-out et plus généralement tous ceux qui souffrent au travail parce qu’ils sont en sous-effectif chronique, et aussi les impécunieux condamnés à la malbouffe, la liste ne demande qu’à être complétée et ça, ce n’est pas du cinéma...
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19 novembre 2017
Hélène Hérault. LA PETITE PRIGENT, nouvelles, éditions Delphine Montalant. 91p, 2017. 14 €
Le début semble annoncer un moment de lecture au coin du feu, une petite friandise salée. On peut lire ainsi ce recueil tout en demi-teinte et en fraîcheur. Cependant, le style limpide d’Hélène Hérault, une ligne claire qui peut rappeler Claire Keegan, emporte l’attention beaucoup plus loin, au large, dans les profondeurs des expériences et des destins les plus humbles.
Pour l’instant, il lui fallait se réconcilier avec l’océan, se laisser embrasser par les flots ; les êtres humains, c’était autre chose.
On devine les sensations à fleur de peau et les sentiments malmenés. La Petite Prigent qui ouvre la première nouvelle La mer avait bon dos par un retour dans la maison de la lande en compagnie intime et pleine d’espoir du plus surprenant des narrateurs est un être à la fois unique et multiple. Toutes les nouvelles rayonnent doucement de sa présence au monde, celui, cher au cœur d’Hélène Hérault, des îles, du Ponant ou de bien plus loin.
Chaque histoire au fil souvent ténu, parfois presque anecdotique, se tresse aux suivantes à l’image des entrelacs de cordages et de filets de pêche sur la photo de couverture. L’écriture économise tout ornement pour laisser sourdre les émotions de personnages taiseux, secrets et tourmentés, la rencontre improbable, l’enfance dont il faut larguer les amarres, le désir d’empathie, la volonté de renaissance, toutes ces nuances de frêle humanité déclinées sur fond d’immensité battue de vents et d’embruns.
Christian Cottet-Emard
01:38 Publié dans Lectures, Service de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la petite prigent, hélène hérault, éditions delphine montalant, blog littéraire de christian cottet-emard, lecture, service de presse, océan, mer, embruns, filets de pêche, cordages, christian cottet-emard, note de lecture, îles, ponant, côte atlantique, nouvelles, recueil, littérature
16 novembre 2017
Carnet de voyage / Novello
L’élégance italienne pétille jusque dans le vin. En France, nous avons le vin prolétaire ou bourgeois, rarement aristocratique. En Italie, c’est la convivialité qui prévaut et qui réunit le plus souvent autour d’un seul verre les trois adjectifs que je viens d’enchaîner à propos de la dégustation à la française.
J’en veux pour exemple ces bars à vin dont les italiens ont le secret, notamment ceux de Venise où mon séjour d’automne 2004 s’était prolongé peu après la date à bien des égards fatidique du beaujolais nouveau. Une journée de promenade, avec un seul arrêt panini dans un minuscule café familial à deux pas de la librairie française, ne pouvait annoncer une soirée au régime sec, surtout dans une ville où la conduite en état d’ivresse est impossible à moins de piloter un bateau.
Parti le matin des Zattere (un voyageur un peu expérimenté sait que c’est le plus bel endroit de l’univers, écrit Philippe Sollers dans son Dictionnaire amoureux de Venise), je me retrouvai maintenant, à la nuit tombée, à mon point de départ, avec derrière moi, un arbre incongru et un grand navire à quai, le Berlin, et un peu plus loin à ma gauche l’entrée baignée d’un halo de néon du Billa local, les vénitiens ayant besoin comme vous et moi d’une supérette où s’approvisionner, même au coeur du délire architectural des palais et des clochers, en conserves, fruits et légumes, huile, vinaigre, pâtes et autres denrées quotidiennes et ustensiles divers aussi indispensables à la vie humaine que la poésie et les arts. Au rayon des boissons, je trouvai même du beaujolais nouveau auquel je choisis de préférer le primeur italien laconiquement étiqueté Novello. (J’ai séché les bouteilles à peine revenu dans mes montagnes et je garde un bon souvenir de ce petit nouveau dont le flacon ne cherchait en aucune façon à se prévaloir de bien étranges accointances avec je ne sais quelles framboises ou bananes).
Je passai déposer mes emplettes à mon hôtel tout proche pour repartir aussi sec, c’est bien le mot, à l’abordage de ces petits vaisseaux naviguant dans la joyeuse soirée vénitienne que sont les bars à vin où les risques de tangage ne concernent pas le navire mais les passagers. Une fois franchie l’écluse des premiers gorgeons accompagnés de cicchetti, on se souviendra sans en faire une obsession des quais et des ponts vers lesquels refluent presque toujours une ou deux vaguelettes de buveurs naturellement portés, le verre à la main, à l’extérieur du très exigu théâtre des opérations de bonne bouche.
Il serait en effet dommage, après avoir commencé en beauté en s’hydratant les intérieurs de finir tout mouillé à l’extérieur à cause d’un malencontreux plongeon dans le canal, ce qui soit dit en passant, signe le touriste en goguette ou pire encore, le goulu qui ne sait pas boire.
(Extrait de mon carnet de voyage en Italie, © Éditions Orage-Lagune-Express)
Photos : image verre et bouteille empruntée ici.
Navire le Berlin à quai sur les zattere ce beau soir de novembre 2004 (photo Christian Cottet-Emard)
Léger tangage sur un petit pont vénitien assez près d'un bar (photo Christian Cottet-Emard)
18:05 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet de voyage, italie, venise, vin nouveau, novello, beaujolais, billa, zattere, lagune vénitienne, promenade, blog littéraire de christian cottet-emard, bar à vin, cicchetti, voyage en italie, carnet, note, journal, christian cottet-emard, élégance italienne, philippe sollers, éditions orage-lagune-express, navire le berlin, quai, automne à venise, novembre à venise